David Foster Wallace : Living as a Legacy by Kirese Narinesingh Translated by Ambre Marbois
In the months that followed the publication of that monumental, massive work of art, Infinite Jest, David Foster Wallace went on a book tour, accompanied in the five last days by fellow writer, David Lipsky. These five days are the basis of Lipsky’s book Although of Course you end up becoming Yourself, published two years after Wallace’s untimely death. Five years after that, The End of the Tour, the film adaptation of Lipsky’s book was released. It’s twelve years later, and David Foster Wallace is still in the middle of cultural debates and literary conversations.
The two works about Wallace (the book and film) provide a necessary and somewhat easier opening into the mind of the writer. Wallace’s genius is indisputable in Infinite Jest as well as his short stories and essays, that have this impetus of wishing to override the philosophies of Pynchon and Vonnegut. But Lipsky’s novel of recorded conversations and perhaps its film adaptation have contributed to this monumentalizing Wallace, to the extent that his fan-base rejects any negative comments that don’t correspond to the myth of David Foster Wallace. The canonization of David Foster Wallace has much to do with the influence he’s had on other writers of his generation. Zadie Smith, Dave Eggers, John Green, among many others, cite him as an influence on their work. That energetic, journalistic and hyperrealist, radical method of prose-writing that made Wallace so revered is the deepest imprint.
Let’s go back a bit. Before Wallace was that great strand of American writers like Thomas Pynchon and John Updike, who thrived in the mid 20th century as exemplars of postmodernism. These were Wallace’s predecessors, the ones he would have to tear down to construct his own literary and cultural value-system. Part of this journey was Wallace’s criticism of media-saturated society. His article “E Unibus Pluram: Television and U.S. Fiction” deals with television’s deleterious effects on postmodern and post-postmodern culture, and the necessity of sincerity and authenticity in combatting the problem of irony. But one of the greatest advantages of Wallace’s position at the cusp of a new generation that succeeded postmodern, is the prescience of his thoughts about media, with regard to our current media-saturated reality. He wrote, “Irony, poker-faced silence, and fear of ridicule are distinctive of those features of contemporary U.S. culture (of which cutting-edge fiction is a part) that enjoy any significant relation to the television whose weird pretty hand has my generation by the throat.”Replace “television” with “social media.”
However, I do think that for literature, Wallace’s impact, along with other factors, thwarted the postmodernist’s combative nature which used irony as its primary tool of defense.Infinite Jest contains this consuming desire to break through the postmodernist haze of detachment, embodied by that monster called irony. Literature’s facet that generates empathy can only be sustained by genuine shows of emotion. That’s why the works of novelists like Zadie Smith, Jennifer Egan and Jonathan Franzen are the byproducts of the ultra-realist, dramatization of the New Sincerity concepts of dismantling the shallow, commercialized works that defined postmodernism.
But nowadays, it’s no secret that media consumption hasn’t changed. In fact it’s accelerating – the number of social media users is now 3.5 billion. And literature tries to compete with the brevity and succinctness of social media sites like Twitter, as evidenced in “Insta-poet” works like Milk and Honey by Rupi Kaur, which, though sincere, feels vapid and superficial as social media pop culture. I wish that we could’ve known what David Foster Wallace would’ve thought about the explosive proliferation of social media.
Yet, when I read more about David Foster Wallace, and construct my own idea of who he was in his life and is in his shrine of post-mortem legacy, the more I consider how self-critical he was. I’m not sure if he would’ve liked this literary deification that’s been wrestled on him. Would he have liked it better if we treat him as he did Pynchon or Updike? To continue the literary engagement with culture and society, as he did? We’ll never know.
David Foster Wallace : Vivre comme un Héritage par Kirese Narinesingh
Traduit par Ambre MARBOIS
Dans les mois qui ont suivi la publication de cette œuvre d'art monumentale, Infinite Jest, David Foster Wallace a effectué une tournée de promotion de son livre, accompagné dans les cinq derniers jours par un autre écrivain, David Lipsky. Ces cinq jours sont à la base du livre de Lipsky intitulé Although of Course you end up becoming Yourself, publié deux ans après la mort prématurée de Wallace. Cinq ans plus tard sortait The End of the Tour, l'adaptation cinématographique du livre de Lipsky. Douze ans plus tard, David Foster Wallace est toujours au cœur des débats culturels et des conversations littéraires.
Les deux œuvres consacrées à Wallace (le livre et le film) offrent une ouverture nécessaire et un peu plus facile sur l'esprit de l'écrivain. Le génie de Wallace est incontestable dans Infinite Jest ainsi que dans ses nouvelles et ses essais, qui ont cet élan de vouloir dépasser les philosophies de Pynchon et de Vonnegut. Mais le roman de conversations enregistrées de Lipsky et peut-être son adaptation cinématographique ont contribué à cette monumentalisation de Wallace, au point que sa base de fans rejette tout commentaire négatif qui ne correspond pas au mythe de David Foster Wallace. La canonisation de David Foster Wallace a beaucoup à voir avec l'influence qu'il a exercée sur d'autres écrivains de sa génération. Zadie Smith, Dave Eggers, John Green, parmi tant d'autres, le citent comme une influence sur leur travail. La méthode énergique, journalistique, hyperréaliste et radicale d'écriture en prose qui a rendu Wallace si vénéré en est l'empreinte la plus profonde.
Revenons un peu en arrière. Avant Wallace, il y avait ce grand groupe d'écrivains américains comme Thomas Pynchon et John Updike, qui ont prospéré au milieu du 20e siècle en tant qu'exemples du postmodernisme. Ce sont les prédécesseurs de Wallace, ceux qu'il a dû démolir pour construire son propre système de valeurs littéraires et culturelles. La critique de Wallace à l'égard de la société saturée de médias fait partie de ce parcours. Son article "E Unibus Pluram : Television and U.S. Fiction" traite des effets délétères de la télévision sur la culture postmoderne et post-postmoderne, et de la nécessité de la sincérité et de l'authenticité pour combattre le problème de l'ironie. Mais l'un des plus grands avantages de la position de Wallace, à l'aube d'une nouvelle génération qui a succédé à la postmodernité, est la prescience de ses pensées sur les médias, en ce qui concerne notre réalité actuelle saturée de médias. Il a écrit : "L'ironie, le silence impassible et la peur du ridicule sont des caractéristiques distinctives de la culture américaine contemporaine (dont la fiction de pointe fait partie) qui entretiennent une relation significative avec la télévision dont la jolie main bizarre tient ma génération à la gorge." Remplacez "télévision" par "médias sociaux".
Cependant, je pense que pour la littérature, l'impact de Wallace, ainsi que d'autres facteurs, a contrecarré la nature combative du postmodernisme qui utilisait l'ironie comme principal outil de défense.Infinite Jest contient ce désir dévorant de briser la brume de détachement du postmodernisme, incarné par ce monstre appelé ironie. La facette de la littérature qui génère l'empathie ne peut être soutenue que par des manifestations authentiques d'émotion. C'est pourquoi les œuvres de romanciers comme Zadie Smith, Jennifer Egan et Jonathan Franzen sont les sous-produits de l'ultra-réalisme, de la dramatisation des concepts de la nouvelle sincérité visant à démanteler les œuvres superficielles et commercialisées qui ont défini le postmodernisme.
Mais aujourd'hui, ce n'est un secret pour personne que la consommation de médias n'a pas changé. En fait, elle s'accélère; le nombre d'utilisateurs de médias sociaux s'élève aujourd'hui à 3,5 milliards. La littérature tente de rivaliser avec la brièveté et le caractère succinct des sites de médias sociaux comme Twitter, comme en témoignent les œuvres "Insta-poètes" telles que Milk and Honey de Rupi Kaur, qui, bien que sincère, semble insipide et superficielle comme la culture pop des médias sociaux. J'aurais aimé savoir ce que David Foster Wallace aurait pensé de la prolifération explosive des médias sociaux.
Pourtant, lorsque je lis davantage sur David Foster Wallace et que je me fais ma propre idée de ce qu'il était dans sa vie et de ce qu'il est dans son sanctuaire d'héritage post-mortem, je me rends compte à quel point il était autocritique. Je ne suis pas sûr qu'il aurait aimé cette déification littéraire dont il a été l'objet. Aurait-il préféré que nous le traitions comme Pynchon ou Updike ? De poursuivre l'engagement littéraire avec la culture et la société, comme il l'a fait ? Nous ne le saurons jamais.